Musidora, la première Vamp au glamour diabolique
Voici le destin extraordinaire de Musidora : star et première vamp du cinéma français. Une icône vénéneuse du 7ᵉ art et une femme libre que l’on a un peu trop oublié…
Née Jeanne Roques (1889-1957), Musidora est une figure emblématique de la Belle Époque.
Actrice, réalisatrice, peintre, auteure, marraine des aviateurs pendant la grande guerre et amie des surréalistes, elle est surtout connue pour un de ses rôles du cinéma muet : Irma Vep, personnage mythique au collant noir, qui officie dans le feuilleton “Les Vampires” de Louis Feuillade (10 épisodes de 1915 à 1916).
Irma Vep , si vous le lisez à l’envers, c’est l’anagramme du mot Vampire.

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Mais qui est donc Musidora ?
Avec ses yeux noirs cerclés de khôl, silhouette mince moulée dans une combinaison noire près du corps et caractère affirmé, le personnage d’Irma Vep délaisse jupons et corset et tient un rôle de “badgirl” : voici la métamorphose en vamp de Jeanne Roques ! Un personnage qui suscite d’emblée fascination et représentation du mal : Paris tremble !
Musidora cristallise les codes esthétiques de son temps et incarne une femme très en avance sur son époque. Elle manifeste une ambition créatrice, et, encouragée par sa mère, la jeune Jeanne devient une figure étonnante, une espèce de Fantômette aux pattes de velours.

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Le destin extraordinaire de Musidora
Amie de Colette et des surréalistes, Jeanne rêve de devenir une artiste et comédienne.
Elle emprunte le nom de Musidora à Théophile Gautier.
On la verra jouer la comédie à l’Odéon, au Châtelet et danser aux Folies Bergères. Elle attire le tout Paris, et c’est à cette époque qu’elle rencontre Colette et qu’elles deviennent amies… Deux ans plus tard, elles partagent la vedette au Ba-ta-clan dans la revue : “ça grise”.
Symbolisant la femme vénéneuse et libérée, Musidora devient un mythe : “la dixième muse” des surréalistes selon André Breton qui voit en elle l’image d’une beauté moderne.

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Irma Vep : l’incarnation de la vamp !
Cheveux noirs, teint exagérément blanc, regard charbonneux et beauté inquiétante illustrent son rôle érotico-criminel dans ” les Vampires” de Louis Feuillade. Sensuel et farouche, le personnage muet d’Irma Vep passionne les Français dans cette période de guerre où tout est bouleversé.
Elle aura aussi beaucoup de succès avec “Judex”, l’aventurière au grand style dans le rôle de Diana Monti, une autre vamp à l’écran. Musidora devient aussi réalisatrice, scénariste et considère le cinéma comme un moyen d’existence, mais aussi d’expression.
Et tant pis si Mistinguett jalouse son succès. Il faut dire que Musidora n’arrête pas de tourner (plus de 19 films entre 1915 et 1920). Grâce à Irma Vep, le cinéma de l’époque découvre quelque chose de nouveau qui est le glamour diabolique !

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Musidora en Espagne
Cette Catwoman avant l’heure est une passionnée de corrida qui va même écrire dans “l’Aficion”. Elle tombe folle amoureuse d’un “rejoneador” espagnol : Antonio Cañero et fini par s’installer de l’autre côté des Pyrénées, où elle tournera notamment deux films intitulés “La terre des taureaux » et « Ombre et soleil”. Elle y est accueillie comme une star et réalise ses films les plus originaux et les plus personnels fondés sur des histoires d’amour avec Antonio.

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Les années passent, l’époque change et la liberté relative aux femmes semble s’éloigner chaque jour un peu plus. Elle rentre alors en France et se marie avec un ami médecin. Elle écrit son premier roman “Paroxysmes ”en 1935 et s’adonne à la poésie. Elle divorcera ensuite et abandonnera le cinéma.
De la bande dessinée à la cinémathèque
Arnaud Lalande et Nicolas Puzenat mettent intelligemment en scène la vie de l’actrice et ses débuts au cinéma avec une magnifique BD : ” Musidora, Elle était une fois le cinéma” aux éditions Robinson. Un album passionnant où l’on découvre cette star en collant noir, telle une Batwoman magnifiquement illustrée. Un beau travail de recherche et un découpage de l’album adapté comme un film … Fallait oser y penser !

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Aujourd’hui, Musidora continue de hanter tous les écrans. Depuis quelques mois, une série TV d’Olivier Assayas “Irma Vep “ est diffusée sur OCS.
Huit épisodes avec un casting de choix : Alicia Vikander incarne l’héroïne au justaucorps noir… Mais aussi Hyppolite Girardot, Jeanne Balibar, Vincent Lacoste … La série s’inspire du récit d’une star Américaine qui arrive à Paris pour jouer dans un remake des Vampires.

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La muse des surréalistes et première vamp du cinéma Français meurt le 7 décembre 1957 à l’hôpital Broussais à Paris presque anonymement. Presque, car heureusement, la cinémathèque lui a rendu un bel hommage en janvier 2020, avec une éclatante rétrospective des films et des affiches signées Musidora. Et je ne peux que vous recommander la BD “Musidora, Elle était le cinéma”. Musidora aura eu mille talents et mille vies.

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Un esprit libre et engagé qui prononça un jour ces mots : “Ce n’est pas tant d’avoir un maillot noir. Il faut avoir l’âme de la couleur du maillot. Et rien ne vous empêche en quittant l’étroite gaine de soie noire, de reprendre une âme qui n’a jamais été que candide, enfantine, et doutant éternellement de soi.”

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