Sister Rosetta Tharpe : la marraine du rock’n’roll.
Divine Mama du rock
Née en 1915 à Cotton Plant, Arkansas, Rosetta Tharpe, avait tout pour elle, sauf sa couleur de peau
et son sexe ! Elle aurait dû se contenter de chanter le gospel à l’église, mais cette rebelle a pactisé
avec le diable, et est devenue la toute première artiste féminine à mélanger le gospel et la variété.
A l’âge de 6 ans Rosetta et sa mère “bigote évangéliste”, déménagent à Chicago. Cette ville est un
brassage de nouvelles musiques, tout comme la Nouvelle Orléans pour le jazz jusqu’au Blues du
Mississippi.
Autodidacte, Rosetta a l’art de combiner les chants de “Négro Spirituals” à une guitare électrique et
devient une virtuose. Mais comment se faire une place dans ce milieu de mecs gominés qui sirotent
des bières ? A même pas 25 ans, elle fait ses premiers enregistrements, et découvre que l’on peut
aimer Dieu et les Night-clubs ! Révolutionnaire déjà avec ses solos de guitares électriques
enflammés, sur fond de rhythm’n’blues annonçant l’arrivée du rock’n’roll. Rapidement, elle signe un
contrat avec la maison de disques “Decca Records”. Son style, ses danses chaloupées passionnent les
foules : une femme swing et noire !
Elvis l’adore, ainsi que Chuck Berry, Keith Richards, Bob Dylan. Elle est aussi la préférée de Johnny
Cash.
L’âme sœur du Rock’n’roll
Le rock et le rhythm’n’blues n’est pas qu’une histoire d’hommes blancs et de testostérones !
Un chaînon manquant, une “guitar héro” aux riffs éblouissants, voici : Sister Rosetta Tharpe!
Cette grande dame noire dynamite le gospel, les conventions et les libertés. Sans elle, Elvis Presley,
Chuck Berry, Éric Clapton n’auraient sans doute pas été les mêmes. Elle devient une figure majeure
de la musique noire des années 30, 40, 50. Son feeling et sa flamboyance, sa façon de jouer de la
guitare ont donné naissance au rock ‘n’roll. Les puristes du gospel la trouvent choquante. Ils
désapprouvent son style de vie et ses mauvaises fréquentations… Ses chansons sont carrément
osées comme : “ Tall Skinny Papa” (je veux un homme grand et chauve) est un succès aux allusions
sexuelles assez évidentes !
La “Badass” allume les clubs de jazz et pas que !
A la fin des années 30, déjà vedette, elle se produit au légendaire “Cotton Club” à New York avec
l’orchestre de Cab Calloway… C’est une envolée pour la gloire et joue avec les grands noms du
monde musical jazz : Duke Ellington, Benny Goodman, Sammy Price…
Mais la musique de Tharpe reste hors norme : le rock’n’roll a été inventé par une femme bisexuelle !
Durant une tournée sur les routes américaines avec une autre chanteuse de gospel “Marie Knight”,
elles se rapprochent avec des relations extras conjugales dans un pays rongé par la ségrégation
raciale. Sister Rosetta est déjà en avance sur son temps, telle une punk, une féministe.
Après avoir divorcée deux fois, elle fait “le buzz” en décidant de se marier une troisième fois de
façon promotionnelle le 3 juillet 1951, connaissant le nouvel élu de son cœur quelques jours avant,
sur un terrain de baseball à Washington, devant des milliers de personnes, et transforme la
cérémonie en concert géant.
L’anonymat
Petit à petit, elle est en perte de vitesse avec l’arrivée du “rock’n’roll blanc” sombrant peu à peu
dans l’oubli … Sauf en Europe ou elle avait son public. L’Angleterre, puis la France lui rende
hommage avec un concert à Paris à la salle Pleyel ainsi qu’une tournée remarquable en 1964 avec
Muddy Waters. Un revival majestueux ou l’on peut l’admirer vêtue d’un grand manteau blanc,
talons hauts, entonner son hymne : ” Didn’t It Rain”. Concert surréaliste sur le quai d’une gare
désaffectée près de Manchester. Cela hélas ne suffira pas à freiner son déclin. On lui diagnostique
un diabète et on l’ampute d’une jambe à cause d’un cancer. Elle s’éteint en octobre 1973, à l’âge de
58 ans, dans l’anonymat. Sur sa tombe perdue au beau milieu du cimetière de Philadelphie, aucun
ornement mais une simple épitaphe qui dit tout et réunie le sacré, le profane, la prière et la fête :
“Elle chantait jusqu’à vous faire pleurer pour ensuite chanter jusqu’à vous faire danser de joie”.
Elle ne fit son entrée au “Blues Hall of Fame” qu’en 2008. Son influence sur la musique dépasse
l’imagination. Sister Rosetta fut vraiment la mère du rock’n’roll, une véritable pionnière.
Les éditions Ampelos ont sorti en janvier 2021 une biographie consacrée à Sister Rosetta Tharpe par
Jean Buzelin qui s’intitule : “La femme qui inventa le rock’n’roll”. Un film également réalisé par la
télévision Britanique par Mike Csaky : “Sister Rosetta Tharpe,Godmother of Rock’n’roll”.
Shout,Sister, Shout !