Cachez ce poil que je ne saurais voir !
2020, en plein confinement, plusieurs Françaises ont suivi la pratique du “No shave” (pas de rasage) avec l’envie d’adopter un rythme corporel plus respectueux, un rejet de la “pression à l’épilation” et de la chasse aux poils. Une libération “partielle” des corps féminins.
La révolution du poil :
Jambes velues et sourcils fournis à la Frida Kaklo, on laisse les bandes de cire au fond du tiroir, en laissant “Dame Nature” reprendre ses droits sous nos aisselles et nos gambettes.
Après les tendances “No make up” (absence de maquillage) et du “No bra” (absence de soutien-gorge) c’est maintenant au tour de la “No shave” (absence de rasage) de prendre de l’ampleur.
D’après une enquête de l’IFOP, 82% des Françaises sont encore nombreuses à s’épiler… Mais cette tendance est à la baisse, notamment au niveau des aisselles. Cette zone a perdu 10 points en 8 ans ; même constat pour les jambes (-12 points) et le nombre de femmes ne s’épilant pas le pubis a doublé en 8 ans également. (28% en 2021 contre 15% en 2013).
Le collectif féministe “Liberté, Pilosité, Sororité” luttent en faveur de l’acceptation de la pilosité féminine pour s’en affranchir comme un phénomène naturel sans imposer de nouvelles normes. Les deux confinements de 2020 ont d’ailleurs accéléré cette volonté d’en finir avec le diktat de l’épilation féminine.
Un retour au naturel de plus en plus assumé
En 2014, le photographe Américain Ben Hopper a réalisé une longue série de clichés où l’on voit des femmes poser fièrement en affichant leurs poils sous les bras. Sa série “Natural Beauty” est le résultat de 6 années de travail, au cours desquelles l’artiste a rencontré de nombreuses femmes affichant leur désir de ne pas s’épiler. Photos sublimes qui prouvent qu’avec leurs touffes de poils, les femmes n’en sont pas moins belles.
Années après années, les publicités pour les crèmes dépilatoires et les rasoirs jetables ont fait culpabiliser les femmes montrant leurs poils les plus visibles. S’affranchir de nouvelles normes de beauté ? Se sentir libres, épilées ou non ? Pas tout à fait encore…
Avec le succès du maillot de bain “Brésilien” très échancré, l’épilation du pubis s’est rependue chez la gent féminine, et dans les années 90, l’industrie du porno a fait passer le message qu’une femme, dont le sexe était intégralement épilé, était beaucoup plus désirable.
Chez les “peoples” et avec Internet cela devient une lutte féministe. L’autrice et réalisatrice Ovidie explique que l’épilation est une énième expression du contrôle exercé sur le corps des femmes, au même titre que le poids, les rides ou les cheveux blancs.
Alors que la pilosité masculine est associée à la virilité, la pilosité féminine, en revanche, renvoie à la saleté.
En conséquence, faut-il souffrir pour être belle ?
Pour mettre fin à cette dictature, la britannique Laura Jackson dénonce ce qu’elle considère comme des normes de beauté à caractère sexiste et lance-le : #januhairy (respectivement : janvier et poilu) à l’instar du : #dryjanuary. Un challenge qui a eu le mérite de créer un espace de réflexion ou la parole s’est libérée.
Le poil, nouvel objet du désir ?
Contrairement aux idées reçues, le maintien d’une forte pilosité n’est pas un frein au désir sexuel masculin, en l’occurrence : 70% des hommes hétérosexuels se disent parfaitement attirés par un pubis poilu. On peut donc se réjouir de ce nouvel intérêt !
La vision des aisselles touffues de Laetitia Casta dans le film “Le grand appartement” de Pascal Thomas (2007) avait provoqué un certain émoi. L’actrice avait rétorqué que “le poil, c’était très érotique”.
Madonna et sa fille Lourdes affichent fièrement leurs poils sous les bras pour le défilé Calvin Klein : pilosité pleinement assumée !
Julia Roberts en 1999, s’exhibe dignement sur les réseaux sociaux, avec ses dessous-de-bras poilus dans le mouvement “ #jegardemespoils”. Une affirmation de soi pour déconstruire les représentations idéalisées du corps féminin.
Fini les termes : “pas féminin”, “pas hygiénique”, “pas joli”, ces dernières années, le “No shave” s’est popularisé : moins onéreux et surtout, moins douloureux !
Cachez ce poil que je ne saurais voir !
Aujourd’hui le poil n’est plus le vilain petit canard de l’histoire même si ce dernier catalyse les inégalités de genre. Peau soyeuse et grain lisse sont encore des critères essentiellement féminins. L’épilation ne cesse de faire débat. D’un côté, il y a des personnes qui s’aiment avec leurs poils et qui vivent l’épilation comme une torture… Et puis, les autres qui ne supportent pas leurs jambes ou leurs aisselles velues, et considèrent l’épilation comme une délivrance.
Religion, climat, hygiène, les raisons de garder ou non ses poils se succèdent autant qu’elles se contredisent.
Conclusion : chacune est libre de faire comme elle l’entend et se s’aimer telle qu’elle.
Si certaines préfèrent l’épilation intégrale, le “ticket de métro”, ou le” triangle “du maillot classique, et raser jambes et aisselles pour se sentir séduisante et belle, avoir la peau lisse, sans être une “Barbie » éternellement jeune : bravo pour ce choix personnel. Épilez-vous pour vous et non pour autrui !
À l’inverse, on peut aimer garder ses poils, qu’elle que soit la zone, et reprendre du “poil de la bête” ! (Normal, nous sommes des mammifères, non ?)
Rester naturelle sans se faire traiter de Chewbacca … S’épiler n’est pas une obligation, l’essentiel étant de s’aimer même avec des aisselles velues ou des gambettes de yéti !
Exister aux yeux des autres et se plaire. Chacune son truc.